Une collaboration entre deux grandes maisons
au tournant du XXè siècle
François Linke (1855-1946) reste aujourd'hui très connu pour ses meubles parfois étonnants, et toujours d'un luxe extrême, où bois et bronze doré se mettent réciproquement en valeur. Il a certainement été le fabriquant de meubles français le plus couru de la fin du XIXe siècle jusqu'à la veille de la Seconde Guerre mondiale, révélé lors de l'Exposition de 1900. Ébéniste d'origine tchèque, Linke arrive à Paris en 1875 et ouvre une boutique sur le faubourg Saint-Antoine en 1881, qui recevra la visite de plusieurs souverains et personnalités du monde entier : le Roi de Suède, le Roi des Belges, la riche héritière américaine Anna Gould, le Prince Radziwill. Sa commande la plus spectaculaire fut celle du Roi d'Égypte Fouad I pour le Palais Ras el-Tin à Alexandrie, dont le seul équivalent est à chercher dans les commandes de Louis XIV pour Versailles.
Les attributs de l'amour ciselés sur le médaillon central rappellent également cette vogue intimiste. Les deux colombes amoureuses, le carquois de Cupidon, sont ici agrémentés de rinceaux et de fleurs finement ciselées, avec une précision bien caractéristique de Messagé.
Selon Victor Champier, critique des Expositions universelles :
« Les garnitures de foyer, landiers, chenets, etc., ont toujours fourni à l'industrie du bronze des motifs qui lui ont valu ses plus éclatants succès […] A l'heure qu'il est, c'est la maison Bouhon qui maintient avec le plus de constance et de réussite notre vieille réputation française en cette spécialité. »
Ainsi, les accessoires de cheminées réalisés par Bouhon Frères sont remarqués à l'Exposition Universelle de 1900 alors qu'ils exposent pour la première fois sous cette raison sociale. Victor Champier en reproduit une partie parmi les milliers d'œuvres présentées à cette exposition, et ils sont félicités par le jury international pour ces écrans et chenets « entièrement nouveaux ». Elle reçoit la médaille d'or à cette exposition, tout comme elle l'avait reçue à l'Exposition Universelle de 1897 à Bruxelles.
Notre pare-étincelles de Linke, où le travail du bronze est particulièrement fin et précis, a tout d'un modèle de Léon Messagé vers 1900. François Linke ayant souvent été sollicité pour meubler des intérieurs entiers à partir 1900, comme la demeure d'Elias Meyer en 1909, il a pu faire appel à ses confrères pour les objets ne relevant pas de sa spécialité, comme ce pare-étincelles réalisé en collaboration avec la Maison Bouhon Frères.
Le tournant du siècle : l'Exposition Universelle de 1900
En 1900, Paris accueille pour la cinquième fois l'Exposition Universelle, sur le thème « Le bilan d'un siècle ». Dix fois plus étendue que la première Exposition organisée à Paris, en 1855, elle se déroule du 15 avril au 12 novembre et accueille près de 51 millions de visiteurs (la population de la France à cette époque étant de 41 millions). C'est pour cette Exposition que sont construits les Grand et Petit Palais, et que le métropolitain est créé.
83 047 exposants dont 38 253 Français participent à cette Exposition de 1900. L'art industriel de l'époque y est largement représenté, notamment l'industrie du bronze d'art dont ce pare-étincelles exécutée par la Maison Linke est un parfait témoignage.
Selon Victor Champier, les bronzes dorés présentés à l'Exposition de 1900 peuvent être divisés en deux catégories : ceux qui sont rattachés par leur forme à la tradition, notamment aux styles des XVIIème et XVIIIème siècles, et ceux qui, en recherchant l'innovation et la modernité, prennent une allure fantaisiste par leurs « silhouettes excentriques et lignes extravagantes ». C'est l'Exposition Universelle de l'avènement de l'Art Nouveau.