« Le Centaure chevauché par l’Amour »,
rare statue de jardin en fonte de fer


"Le Centaure chevauché par l'Amour"

d'après l’œuvre romaine en marbre, Ier-IIè siècles,
provenant de la Collection Borghèse,
conservée au Musée du Louvre, Paris.

Fonte de fer, France, Seconde moitié du XIXè siècle.


Cette statue ancienne en fonte de fer intitulée « Centaure chevauché par l'Amour » représente un centaure les bras croisés dans le dos exhibant sa musculature saillante. Le mouvement de la tête de la créature montre son effort pour voir le personnage installé sur sa croupe. Mi-homme, mi-cheval, le centaure prend un air furieux, contrastant avec l'attitude de Cupidon qui, enjoué, s'amuse à tirer les cheveux et arracher les poils de la bête. Espiègle, le dieu de l'Amour a attaché les mains du centaure afin qu'il ne puisse se débattre.


La reproduction d'une œuvre antique :

Le « Centaure chevauché par l'Amour » aurait été sculpté en marbre à l'époque impériale par des artistes d'Aphrodisias, une cité d'Asie Mineure située dans la Turquie actuelle. C'est au XVIIème siècle que la statue est découverte à Rome. Elle rejoint alors la collection de Scipione Borghèse, un collectionneur passionné, dont les antiques furent réunis en grande partie entre 1607 et 1622, afin de décorer la villa Pinciana. En 1807, Camille Borghèse vend plusieurs centaines d'œuvres antiques, dont cette statue, à son beau-frère Napoléon Ier qui souhaitait placer son règne dans la continuité de l'empire romain. C'est ainsi qu'est fondé le « Musée Napoléon » où est présentée cette collection d'exception comprenant, outre ce centaure, des œuvres majeures comme « Le Gladiateur Borghèse », l' «Hermaphrodite Borghèse » ou encore le « Vase Borghèse ».
Aujourd'hui, Le Centaure est conservé au Musée du Louvre, dans la superbe Salle des Caryatides.

Une statue en fonte à l'âge de la Révolution Industrielle :

Au XIXè siècle, la fonte de fer est un matériau nouveau, issu de la Révolution Industrielle. S'il est utilisé pour la fabrication de cette statue, cette dernière se place pourtant dans la permanence d'une certaine tradition, étant la reproduction d'une œuvre antique datant des Ier-IIè siècles. Entre goût pour le passé et modernité, c'est tout l'Éclectisme du XIXème qui est ici révélé.
La première Révolution industrielle naît en Angleterre dans la seconde moitié du XVIIIème siècle et se diffuse lentement en Europe et en Amérique du Nord du XIXème siècle à la première Guerre Mondiale. Durant cette période, des progrès sont faits dans l'urbanisme et le métal devient un matériau fondamental, massivement utilisé, notamment dans les constructions réservées aux ingénieurs, comme les ponts, les halls de gare et d'exposition ou encore les usines.

La fonte de fer, produit brut du haut fourneau, sort liquide du creuset et l'on peut facilement la couler dans des moules. C'est pour cette raison que l'on en fait, après 1820, des éléments décoratifs, ornements de jardins, fontaines ou statues. La fonte de fer est moins coûteuse que le bronze, ce qui permet une large diffusion de sculptures résistantes, de grande qualité et de dimensions souvent monumentales.

En bronze, le succès de la statuaire d'édition, au milieu du XIXè siècle, provoque un profond bouleversement dans le monde de la sculpture. Achille Collas, l'inventeur du procédé dit de la « réduction mécanique » permettant d'agrandir ou diminuer à loisir les dimensions des œuvres originales afin de les éditer en métal, est ainsi souvent comparé à Gutenberg. L'avènement de la fonte de fer viendra confirmer ce goût pour la statuaire d'édition par le biais d'un matériau plus simple d'utilisation et moins onéreux.
En marge des salons officiels, cette production satisfait le goût nouveau des bourgeois pour le beau : celle-ci s'immisce dans les théâtres, les galeries ouvertes et les riches appartements, ou encore sur les places publiques et les jardins des grandes demeures des amateurs d'art éclairés, comme ce fut le cas pour ce « Centaure chevauché par l'Amour » qui marque une connaissance profonde pour les œuvres antiques.

Le Ponts des Arts
édifié entre 1801 et 1804
avec neuf arches de fonte de fer.
Le Crystal Palace édifié à Hyde Park
en fonte et en verre pour abriter
l'Exposition Universelle de 1851
Bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris construite en fonte et pierre
par Henri Labrouste en 1851

Les fonderies d'art au XIXè siècle :

La fonte d'art prend son essor sous le Second Empire et la IIIe République pour concentrer son activité dans quelques fonderies, dont celles du Val d'Osne, la plus importante de France, la fonderie Durenne, qui participe largement au renom de la fonte d'art française à l'étranger, ou encore celles de Ferry-Capitain ou Tusey.

Il est alors fréquent de reproduire des modèles dits à l'antique, provenant du Louvre ou de Versailles, ou encore des œuvres de certains sculpteurs contemporains tel Mathurin Moreau.



Pour diffuser leur production, les fonderies utilisent différents relais. Les Expositions de l'Industrie Nationale, puis les Expositions Universelles leur permettent d'exposer leurs œuvres, et de recevoir des récompenses qui pèsent lourd dans l'argumentation commerciale. Le jury de 1851 écrit dans son rapport : « M. André, du Val-d'Osne […} avait exposé une fontaine d'une construction et d'un moulage admirables. Son alligator, sa cheminée, son bois de lit, présentaient un coulage tellement parfait, qu'on avait de la peine à croire que ces objets n'avaient pas reçu la moindre retouche, mais se trouvaient tels qu'on les avait sortis du moule ». Il reçut la médaille d'argent. Encore, l' Exposition Universelle de 1867 consacre la fonderie Durenne à l'international.
Les albums constituent l'autre grand relais des fonderies. Ces catalogues, de plus en plus chers et épais, sont laissés ou vendus par le fondeur à ses clients, à l'intérieur sont gravés toutes les informations concernant leur collection. Le « Centaure chevauché par l'Amour » apparaît ainsi au catalogue du Val d'Osne (n° 533).

La Fontaine de Tourny à Québec,
sculptures de Mathurin Moreau, agencement de Liénard.
Fonderie du Val d'Osne, 1857.
Fontaine de la Place de la Concorde, Paris.
"La pêche aux coquillages",
statue en fonte de fer par Achille Valois.

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