Abritant une petite ondine, cette fontaine est une œuvre d’une très rare beauté. En effet, la virtuosité des sculptures ajoutée à un grand sens de l’harmonie, est ici au service d’une œuvre pleine de charme et de poésie.
Décorée de panneaux et volutes, cette fontaine est sculptée avec une extrême finesse dans le marbre de Carrare veiné d’un léger gris. Les côtés sont ornés de gracieuses clochettes. Sa forme générale, avec ses courbes retombant en petites volutes, reproduit le mouvement de l’eau.
Au sommet, l’eau jaillit de la bouche d’un vieillard couronné de nénuphars : dieu-fleuve dont l’âge contraste avec la fraîcheur de la sirène.
Un grand coquillage, dont les sédiments marins sont magnifiquement reproduits, sert de première vasque où l’eau est recueillie avant de s’écouler en rideau tout autour de l’ondine. Ainsi, une fois en activité, cette fontaine dégage d’autant plus de charme.
L’ondine, nymphe des cours d’eau douce, provient précisément des légendes germaniques, où elle est connue pour alimenter les fontaines. C’est pourquoi on y jette de petites pièces, en offrandes, afin que l’eau ne s’y tarisse jamais. Représentée sous les traits d’une jeune fille, l’ondine prend la forme de la sirène scandinave, à queue de poisson, au cours du XIXe siècle.
Monument de la culture allemande, Henrich Heine a en effet contribué à ancrer l’importance de l’ondine Lorelei dans le folklore national, avec un célèbre poème de 1824. Il s’agissait d’une ondine du Danube, fleuve qui parcourt justement la ville de Vienne.
Il est ensuite l’un des rares soutiens du danois Christian Andersen pour son conte La petite Ondine (1837), qui ne rencontre initialement aucun succès dans son pays d’origine. Ainsi, l’image d’une ondine enfant, à queue de poisson, s’est popularisée en premier dans les pays germanophones au cours du XIXe siècle, pour enrichir l’imaginaire des artistes.
Vienne est depuis 1873 un terrain fertile pour les arts, une splendide capitale qui soigne ses meilleurs artistes. Révélation de l’Exposition Universelle de Vienne en 1873, Rudolf Weyr en fera partie, chargé de réaliser la statue en pied de Franz Joseph Ier en 1898. Sa carrière prend son envol en 1884, lorsque l’impératrice Sissi le charge d’une partie de la décoration de la Villa Hermès ; il est alors sollicité par le couple impérial pour les commandes publiques.
Son œuvre la plus connue est sans doute Die Mach zur See, (« Le Pouvoir sur la Mer »), une grandiose fontaine de 1894 qui orne le palais impérial de Hofburg. Le groupe représente une allégorie domptant les monstres marins et le tumulte des flots, avec l’appui du dieu Neptune.
On peut de surcroît encore rapprocher Neptune, portant une couronne de lauriers, ses traits burinés, ses pommettes saillantes, avec le dieu-fleuve de notre fontaine. Sa couronne est aussi la même qui orne la tête de l’ondine. Ainsi, notre fontaine à l’ondine correspond non seulement à la date et au lieu d’activité de Rudolf Weyr, mais aussi à son style et à la qualité de sa sculpture. Il faut enfin noter qu’elle correspond encore à ses thèmes de prédilection, le sculpteur ayant manifesté son goût pour le folklore germanique.
La carrière de Rudolf Weyr est en effet ponctuée par des œuvres renvoyant au folklore. Associé au projet de Nueue Burg, construit entre 1895 et 1901, Rudolf Weyr est chargé de réaliser l’une des statues représentant l’Histoire Austro-hongroise. Celui-ci en choisissant de représenter un guerrier Magyar, coiffé de pittoresques nattes, montre déjà son penchant pour les traditions germanique.
Plus tard, au début du XXe siècle, il prêtera également au peintre Hans Canon une ceinture ornée d’entrelacs mérovingiens, dans la statue qu’il érige à Stadtpark à sa mémoire. Par la suite, il se chargera de sculpter un bas-relief sur l’église Saint-Pierre de Vienne, représentant la légende selon laquelle l’église aurait été fondée par Charlemagne. Là encore, Weyr accorde un soin particulier à ses personnages coiffés de casques ailés, de nattes et épaisses moustaches.
Une fontaine viennoise de la fin du XIXe siècle
En effet, Vienne est alimentée en eau de source, descendant directement des Alpes. Elle compte aujourd’hui près de 900 fontaines d’eau potable, et 54 fontaines monumentales réalisées par les meilleurs artistes. L’une des plus admirées, la Fontaine à la Coquille, se trouve au Château du Belvédère, palais baroque terminé en 1723. Des Tritons aux queues de poissons y soutiennent une large coquille très semblable à celle qui sert de vasque dans notre fontaine.
Die Mach zur See a ainsi vu le jour dans un contexte où les fontaines se multiplient à Vienne ; ainsi, la fontaine d’angle que nous présentons est, en toute vraisemblance, une commande privée qui suit cette tendance. Rudolf Weyr ayant montré son talent dans la sculpture des chimères marines en 1894, un commanditaire viennois a pu faire appel à ses talents pour cette gracieuse ondine.
Cette rarissime fontaine est visible dans notre showroom de Saint-Ouen, sur rendez-vous. Vous pouvez nous joindre par téléphone :
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