La Fontaine WALLACE


Charles-Auguste Lebourg (1829-1906)
Fontaine Wallace
D'après un modèle de 1872

Fontaine en fonte peinte en vert. Elle se compose d'un dôme orné d’écailles et surmonté de quatre monstres marins en ronde-bosse, aux gueules ouvertes desquelles ruissellent des cours d'eau, symbolisés par des frises de vaguelettes. Ce dôme est soutenu par quatre cariatides drapées à l'antique. Elles reposent sur un important piédestal octogonal orné de volutes surmontées de coquilles, alternées en bas-relief de tritons s'enroulant autour du trident du Dieu des Océans, Poséidon.

Tirage de la seconde moitié du XXème siècle.


L'arrivée des fontaines Wallace est un enchantement pour la population parisienne du XIXème siècle, comme le relatent les journaux de l'époque :

« Non seulement on fait queue, on stationne, on se presse autour de ces ingénieuses et jolies fontaines ; non seulement on voit les petits enfants boire avec délices à ces tasses de Fer qu’attend un vieillard, un passant, et que les mères vident en souriant, non seulement il se fait autour de cette source intarissable des petites fraternisations improvisées moins dangereuses que celles du cabaret, mais on voit à l’heure des repas des ménagères emporter des carafes d’une eau fraîche… »

« Notes et impressions », la Revue politique et littéraire, 12 août 1874



L'initiative du généreux philanthrope Richard Wallace (1818-1890, né Jackson)

Ce collectionneur d'art est réputé être le fils illégitime du riche marquis de Hertford. Devenu son unique héritier en 1870, il se consacre à sa passion pour les arts. Le fruit de ses recherches se trouve aujourd'hui à la Wallace Collection, suite à la donation de sa femme, Lady Wallace. On peut y contempler les chefs d’œuvre des arts décoratifs du XVIIIème français.

« Série "Les bienfaiteurs de l'Humanité" des chocolats Guérin-Boutron : Richard Wallace.
S'est rendu célèbre par de nombreuses oeuvres philantropiques. Il dota Paris des fontaines qui portent son nom. »



Mais sa passion pour la France ne s'arrête pas au domaine des arts. Lorsqu'il a une vingtaine d'année, cet anglais s'installe à Paris et tombe amoureux à la fois de la capitale et de la française Julie-Amélie-Charlotte Castelnau (1819-97) connue aujourd’hui sous le nom de Lady Wallace. Dans les salons littéraires parisiens, il fréquente les grands artistes de son époque comme Flaubert, Delacroix ou encore le célèbre poète et critique d'art Baudelaire.

Cet homme généreux et éclairé aide une première fois les parisiens durant le siège de 1870. Il financera par la suite une cinquante de fontaines Wallace, soit 50.000 francs, une fortune pour l'époque. On compte aujourd'hui 150 fontaines à Paris, 50 en province et quelques unes dans le monde, notamment dans le Parc Wallace de Lisburn (Irlande du Nord) devant la Maison Wallace (Voir photo).


La conception des fontaines Wallace

Le sculpteur nantais Charles-Auguste Lebourg (1829-1906) imagine ces fontaines d'après un croquis de Richard Wallace (1818-1890). Ce sont les quatre allégories de la bonté, la simplicité, la charité et la sobriété, qui sont choisies. Un passant attentif remarquera que, bien que d’apparence similaires, chacune possède un détail qui la rend unique. Mais toutes répondent aux canons de l'académisme. La référence aux modèles antiques est en effet flagrante, il s'agit ici de cariatides, comme sur les monuments classiques, tel l'Érechthéion de l'Acropole d'Athènes.
Bien que le sujet renvoie à une iconographique classique, le sculpteur n'a pas oublié le charme dans son œuvre. En effet, lorsqu'un badaud vient à la « brasserie des quatre femmes » pour étancher sa soif, il lui faut alors faufiler sa main entre les silhouettes avant d’atteindre le précieux filet d'eau.

Dans la seconde moitié du XIXème siècle, les théories hygiénistes influencent l'urbanisation de Paris. On veut faire entrer la nature dans la ville et ainsi la couleur choisie a pour but d'apporter à la capitale ce vert qui lui fait cruellement défaut. Le vocabulaire iconographique de l'eau (vaguelettes, tritons et Poséidon) souligne la présence de cette eau pure et assainissante.

Pour la réalisation de ces fontaines, le choix se porte sur la fonte de fer, un matériau moderne, pratique et abordable. Ce sont les Fonderies du Val d'Osne qui furent les premières à les produire (Voir ci-contre : Catalogue fonderies du Val d'Osne, Pl. 517, 1900).

Les fontaines parisiennes depuis 1874

Inspirées des « drinking fountains » de Londres, la première fontaine Wallace fut mise à disposition du public le 17 août 1872, sur le Boulevard de la Villette. Paris sort alors de crises majeures : son Siège entre septembre 1870 et janvier 1871 ainsi que la Commune de mars à mai 1871. Les pénuries d'eau ont alors gravement marqué la population et ces fontaines sont accueillies avec ferveur.





Le modèle de 1972 a varié au fil des années :


A l'origine les fontaines sont équipées de gobelets en étain attachés avec une chaîne. Pour des raisons évidentes d'hygiènes, ce n'est plus le cas depuis 1952.

Les fonderies du Val d'Osne ayant fermé leurs portes, c'est une autre société (GHM) qui a continué la production de façon encore assez artisanale.




Dans le Paris du XXIème siècle on peut croiser des « Fontaine Millénaire » ou « Fontaines de l'an 2000 » ou encore « Fontaine RADI1 ». C'est une nouvelle version de cette œuvre iconique de la capitale française. Leur installation fait suite à un concours de la Société anonyme de gestion des eaux de Paris (SAGEP) pour la conception d'un nouveau type de fontaine dites « à boire ».

Sur les 119 fontaines Wallaces que compte le Paris d'aujourd'hui, on peut en croiser des versions colorées, dans un style résolument Pop.


Aux côtés de sa contemporaine, la colonne Morris, elle a acquis une place iconique dans le paysage parisien. Comme ici, dans ce cliché de 1946, réalisée par le photographe Robert Doisneau.



La Fontaine Wallace verte est reliée dans l'imaginaire collectif à Paris, elle en est aussi indissociable que les taxi jaunes le sont de New York ou lescabines téléphoniques rouges de Londres.




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