Cette sculpture monumentale posée sur un socle représente un taureau de manière très réaliste et tout en mouvement. Debout, en train de marcher, sa tête est dressée et tournée vers la gauche, la queue effectue, elle aussi, un mouvement dans la même direction. Isidore Bonheur, connu pour ses sculptures animalières naturalistes, donne ici un travail remarquable dans le rendu du corps du taureau. En effet, on remarque rapidement son imposante musculature en particulier des cuisses, les plis de sa peau au niveau de son cou et les poils finement ciselés de sa queue ou encore de son front et de ses oreilles.
Mais c'est véritablement dans la réalisation de la tête de l'animal que tout le talent de l'artiste se manifeste, à travers les grands yeux protégés par des paupières saillantes et le mouvement du museau qui écarte ses narines, entrouvre sa bouche, et qui donne au taureau toute son expressivité.
Ce plâtre étant le modèle pour la fonte, cela explique aussi la raison de ces nombreux détails sculptés par l'artiste, puisque ces derniers perdent un peu de leur qualité après le moulage, ils nécessitent d'être le plus fins possible sur
la matrice. C'est également pour faciliter la
fonte que le socle et la queue sont séparés.
Page du catalogue de la fonderie du Val d'Osne
Les Taureaux se faisant face sur le champ de Mars lors de l'Exposition Universelle de 1878
Initialement exposé lors du salon de 1865, ce plâtre a servi de modèle pour un des deux Taureaux en fonte de fer du sculpteur français Isidore Jules Bonheur, exposés sur le champ de Mars lors de l’Exposition Universelle de 1878, l'un identique à notre sculpture l'autre baissant le col et chargeant. Ces taureaux y ont connu un certain succès puisque de nombreuses commandes ont été faites à la fonderie du Val d'Osne à la suite de leur exposition. On les retrouve aujourd'hui dans de nombreuses villes du monde et notamment en Amérique du sud, comme à Buenos Aires en Argentine, à Maracay au Venezuela ou encore au Guatelama. Mais aussi à El Puerto de Santa Maria en Espagne et à Rhode Island aux Etats-Unis.
Aucune trace du déménagement des Taureaux originaux n'a été trouvée à ce jour, or il est très probable qu'ils se trouvent aujourd’hui devant les abattoirs de Cureghem à Anderlecht en Belgique. On retrouve à Paris un taureau en fonte de fer peinte issu aussi de notre plâtre devant l'entrée du parc Georges Brassens, dans le 15e arrondissement de Paris, anciennement les abattoirs de Vaugirard. En revanche, son pendant n'est pas le taureau baissant le col exposé lors de l'Exposition Universelle de 1878, mais une autre sculpture de taureau quasiment identique à notre plâtre, sauf dans le positionnement de la queue. Des recherches ont montré que ces taureaux ont été commandés spécialement pour ce lieu après l'Exposition Universelle de 1878.
Entrée des abattoirs de Cureghem à Anderlecht en Belgique
Entrée du parc Georges Brassens à Paris
Sculpteur et peintre né à Bordeaux en 1827, Isidore Jules Bonheur (1827-1901) est le troisième enfant du peintre Raymond Bonheur (1796-1849) et le frère cadet de l'artiste peintre Rosa Bonheur. C'est grâce à ces deux personnes qu'Isidore Bonheur reçut un premier apprentissage artistique avant d'entrer à l'Ecole des Beaux Arts de Paris en 1849. Il commence par pratiquer la peinture avant de s'orienter définitivement vers la sculpture animalière. Nombreuses de ses œuvres se trouvent aujourd'hui dans les musées notamment à Bordeaux, à Varsovie en Pologne ou encore aux États-Unis, mais c'est surtout au musée d'Orsay à Paris que l'on retrouve la majeure partie de ses sculptures. Tout au long de sa carrière artistique il obtient de nombreuses récompenses, dont une médaille au Salon de 1865 pour l'exposition de notre plâtre et en 1895, il est décoré de la Légion d'honneur.
Notre sculpture est un exemple concret du goût pour la sculpture animalière qui se développe en Europe tout au long du XIXe siècle. C'est notamment après le Salon de 1831, où Antoine-Louis Barye se fait remarquer par la présentation de sa sculpture intitulée Tigre dévorant un gavial, que la vogue prend de l'ampleur. L'artiste est le premier sculpteur à choisir d'abandonner la représentation mythologique au profit d'un représentation plus réaliste. Dès lors, la sculpture animalière qu'elle soit monumentale ou de plus petit format, connaît un énorme succès et a très vite été adoptée par le mouvement Romantique à la recherche d'expressivité. Elle connaît, par la suite, un regain à la fin du siècle notamment avec le développement du goût pour le naturalisme dans lequel s'inscrivent les Taureaux d'Isidore Bonheur.
On peut rapprocher notre taureau d'autres sculptures animalières monumentales et notamment de celles exposées également lors de l'Exposition universelle de 1878 autour de la cascade du Trocadéro qui représentent elles aussi des animaux de manière naturaliste.
Trois d'entre elles ont été déplacées et se trouvent aujourd'hui devant le musée d'Orsay, le Cheval à la herse par Pierre Rouillard, le Rhinocéros d'Alfred Jacquemart et le Jeune éléphant pris au piège d'Emmanuel Fremiet.La quatrième,le Taureau d'Auguste Cain, souvent confondu avec ceux d'Isidore Bonheur, est quant à lui, aujourd'hui, exposé à Nîmes.
Palais du Trocadéro en 1878 précédé des quatre sculptures animalières.