Attribué à Pierre Marius Montagne (1828-1879) : Mercure ou Mercure s’apprêtant à trancher la tête d’Argus

Marbre

H : 124 cm, L : 46 cm, P : 66 cm

Toulon ou Paris, 1869-1879


Cette sculpture dont le modèle fut présenté au Salon de 1869, fut décrite par Mr de Thémines dans La Patrie du 7 mai 1869 : « Le jeune dieu est assis sur un tronc d’arbre, la jambe droite tellement croisée sur la gauche que la cheville de celle-là touche presque au genou de celle-ci. Une main appuyée sur ce genou tient une flûte de Pan ; l’autre s’étend mollement vers un glaive qui est par terre dans son fourreau. »

Le Monde Illustré, 13 juillet 1867, Exposition des Beaux-Arts (sculpture), modèle en plâtre de « Mercure s’apprêtant à trancher la tête d’Argus » par Marius Montagne.


En 1867, Marius Montagne présente le plâtre correspondant au modèle de ce marbre au Salon sous le titre « Mercure s’apprêtant à trancher la tête d’Argus ». L’État commande alors à l’artiste un modèle en marbre qui sera exposé au Salon de 1869 et à l’Exposition Universelle de Vienne de 1873 avant d’être transférée dès 1874 par la Direction des Beaux-Arts à la ville de Montbéliard. Notre marbre fait partie des trois seules versions réalisées dans cette matière connues à ce jour. Comme nous l’avons mentionné, l’une d’elle est actuellement conservée au musée du château des ducs de Würtemberg de Montbéliard. Il s’agit vraisemblablement de la version commandée par l’État à Montagne. Elle mesure 133 centimètres de hauteur. Une autre version a été vendue à New-York lors d’une vente des 18 et 19 juillet 1996 mais mesure seulement 68,6 centimètres de hauteur soit la taille des éditions en bronze de cette sculpture. La taille de notre version est proche de celle de Montbéliard puisqu’elle mesure 124 centimètres de haut. La version originale en plâtre conservée au musée de Toulon est connue dans les sources anciennes comme mesurant 1,10 mètres de haut.

Pierre Marius Montagne, Mercure, château des ducs de Würtemberg de Montbéliard

Le Mercure de Marius Montagne fut édité en bronze à de nombreux exemplaires. Cependant les deux seules versions en marbre connues « de grandeur naturelle » laissent penser qu’il s’agit là d’œuvres d’atelier ou de la main du sculpteur lui-même. Leur petit nombre s’explique alors d’autant que Montagne meurt seulement 10 ans après l’exécution du premier marbre, à Toulon en 1879, à l’âge de cinquante ans. Plusieurs éléments, notamment l’ajout d’un drapé et un socle différent entre les deux exemplaires en marbre de « grandeur naturelle » permettent de penser qu’il ne s’agit pas d’une copie ou d’une édition.

Pierre Marius Montagne est originaire de Toulon. Après avoir passé plusieurs années comme élève dans l’atelier de sculpture du port de Toulon, il fut élève de Rude à Paris. Il expose au Salon dès 1850 et jusqu’en 1875, remportant des médailles d’or au Salon de 1867 et de 1869. Ses œuvres majeures sont actuellement conservées au musées de Grenoble et de Toulon. Son Mercure fut également exposé à l’exposition internationale de Londres en 1872, et à l’Exposition Universelle de 1878 sous la forme d’un bronze qui fut un lot de la loterie nationale de 1879. Marius Montagne fut également chargé de la décoration du Grand-Théâtre de Toulon.

Charles Blanc, célèbre historien et critique d’art français, tout en vantant la qualité du Mercure en bronze présenté à l’Exposition Universelle de 1878, le rapprocha stylistiquement du « Mercure de Thorwaldsen ». Il s’agit d’une œuvre du sculpteur Bertel Thorwaldsen de 1818 traitant la même scène inspirée de la mythologie. Tout comme la proposition de Montagne, le dieu empoigne doucement son arme pour trancher la tête d’Argus tout en tenant la flûte de pan ayant servi à l’endormir. On retrouve le même tronc massif comme point d’appui de la figure. L’œuvre de Thorwaldsen fut reproduite par ses élèves en marbre et en gravure si bien qu’elle pourrait faire partie des sources d’inspiration de Montagne.

Mercure de Thorvaldsen, gravure, début du XIXe siècle.

Ces œuvres s’inspirent du mythe grec d’Argos et Hermès. Argos est un géant aux cent yeux dont la moitié dort tandis que l’autre moitié veille. Ainsi la vigilance d’Argos ne peut être trompée. Afin de de délivrer Io, amour de Zeus confiée à la garde d’Argos par Héra jalouse, Hermès joue de la flûte de pan pour endormir le géant puis lui tranche la tête. Marius Montagne a choisi de représenter l’instant critique, acmé du mythe, où Argos (Argus) vient de s’endormir et Hermès (Mercure) décide de dégainer son épée pour lui donner la mort.


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